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Écrit le 16/02/2023

Les honoraires de l’agent immobilier peuvent être dus sans acte authentique ? par Me Cyril Sabatié

csDès lors que la promesse synallagmatique de vente (compromis comme on l’appelle dans le jargon immobilier) est signée par le vendeur et l’acquéreur, l’agent immobilier a droit à ses honoraires, même si l’acte de vente notarié n’est pas signé par la suite.
C’est ce que vient d’affirmer de manière surprenante la Cour de cassation dans un arrêt de censure du 10 octobre 2018 n°16-21044.
Pourquoi de manière surprenante me direz vous alors que l’article 1589 du Code civil affirme que « la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix » ? Parce que jusqu’à présent la jurisprudence quasi-constante faisait une application stricte de la loi dite Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970 et de son décret d’application du 20 juillet 1972 (et notamment de son article 73).
En effet, le dernier alinéa de cet article 73 du décret du 20 juillet 1972 dispose, en complément de l’article 6 de la loi Hoguet, que « le titulaire de la carte professionnelle perçoit sans délai sa rémunération ou ses honoraires une fois constatée par acte authentique l’opération conclue par son intermédiaire ».
L’article 74 de ce même décret précise quant à lui que « lorsque l’engagement des parties contient une clause de dédit ou une condition suspensive, l’opération ne peut être regardée comme effectivement conclue (…) s’il y a dédit ou tant que la faculté de dédit subsiste ou tant que la condition suspensive n’est pas réalisée ».
Ainsi, pour que l’agent immobilier puisse percevoir sa rémunération la Cour de cassation considère usuellement que la vente doit être à la fois « effectivement conclue » mais également « constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties », acte que la Haute Cour retient généralement comme étant un acte authentique.
 Certes en l’absence d’acte authentique, et en cas de refus fautif de réitérer de l’une des parties, la Cour de cassation reconnaît habituellement un droit à indemnisation de l’agent immobilier (au maximum équivalent au montant de ses honoraires – cf. 78 du décret de 1972 modifié par le décret du 24 juin 2015).
En effet, par exemple, lorsque par sa faute l’acquéreur a fait perdre à l’agent sa rémunération, il lui doit réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, et même s’il n’est pas débiteur des honoraires Cass. assemblée plénière 9 mai 2008 n°07-12449. Cette indemnité était toutefois réductible par le juge judiciaire.
C’est donc en cela que cet arrêt du 10 octobre 2018 est quelque peu novateur puisqu’il affirme au contraire que « la signature de la promesse synallagmatique de vente constituait un accord définitif sur la chose et sur le prix », et que les acheteurs « ne pouvaient, sans commettre une faute, refuser de la réitérer, faisant ainsi ressortir que l’opération avait été effectivement conclue, de sorte que ce refus ne pouvait avoir pour effet de priver l’intermédiaire de son droit à rémunération ou à indemnisation ».
De manière isolée la Cour de cassation avait pu déjà affirmer par le passé dans un arrêt du 9 décembre 2010 n°09-71205 que « l’acte écrit contenant l’engagement des parties, auquel l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 subordonne le droit à rémunération ou à commission de l’agent immobilier par l’intermédiaire duquel l’opération a été conclue, n’est pas nécessairement un acte authentique ».
 La solution semble donc désormais acquise, sous la condition cette fois non plus d’un acte authentique mais d’un accord définitif sur la chose et sur le prix !
 En conclusion il semble possible d’affirmer désormais que lorsque le compromis se voit exempt de conditions suspensives rédhibitoires, ou que toutes les conditions sont levées, la défaillance d’une des parties et la non réitération subséquente de la vente n’empêchent pas l’intermédiaire immobilier de percevoir son entière rémunération.

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